- WANLI
- WANLIWANLI (1563-1620) empereur de Chine (1573-1620)Le règne du treizième empereur de la dynastie des Ming (nom posthume: Shenzong), un des plus longs de l’histoire de la monarchie chinoise, marque à bien des égards un tournant dans l’histoire politique, sociale et économique de la Chine à la fin de l’empire.Les dix premières années Wanli, qui correspondent à la minorité de l’empereur, sont dominées par un homme d’État exceptionnel, le grand secrétaire Zhang Juzheng. Ce sont sans doute les plus prospères et les plus tranquilles de la dynastie. Zhang restaure l’ordre dans la bureaucratie, assainit les bases financières du régime en faisant effectuer un recadastrage général de l’empire, et met définitivement un terme à la menace mongole dans le Nord et le Nord-Ouest.Les choses changent considérablement après sa mort, en 1582. L’empereur, qui a sans doute mal supporté un tel magistère, dégrade Zhang à titre posthume dès 1583 et va maintenir pendant tout son règne les relations les plus distantes avec ses grands secrétaires et, en fait, avec l’ensemble de la bureaucratie: ses apparitions aux réunions du gouvernement se font de plus en plus rares, pour cesser totalement entre 1589 et 1615. Même les audiences individuelles deviennent rarissimes, et les communications entre l’administration et l’empereur (qui seul détient le pouvoir final de décision) passent entièrement par les eunuques du palais. Aggravée par l’indifférence et l’exaspération croissantes de Wanli envers tout ce qui concerne le gouvernement, cette situation conduit peu à peu à la paralysie de l’État. Un nombre croissant de postes restent vides faute de nominations, ou parce que leurs titulaires, fatigués de voir leurs requêtes ignorées, ont déserté. Mais si la bureaucratie de l’empire est en pleine déréliction au tournant du XVIIe siècle, c’est aussi à cause des luttes de factions qui la déchirent. L’hostilité de la bureaucratie régulière à l’égard du grand secrétariat (lui-même de moins en moins soutenu par l’empereur) est un héritage de l’autoritarisme de Zhang Juzheng. En 1604, des lettrés «intègres», qui se désignent eux-mêmes comme le «courant pur» (qingliu ), fondent dans le bas Yangzi l’académie Donglin, puis s’organisent en un «parti» (dang ) à la cour, qui s’affronte avec ceux qu’ils considèrent comme les hommes de main du grand secrétariat et des eunuques. Cette opposition se manifeste à travers une longue série d’«affaires» qui secouent la cour et la bureaucratie sur divers points de politique ou de rituel et provoquent à chaque fois arrestations, persécutions et démissions. Elle donnera lieu, sous le règne suivant, à une purge sanglante du parti Donglin, à l’initiative de l’eunuque-dictateur Wei Zhongxian, et se poursuivra jusque sous les régimes des Ming du Sud, après la conquête mandchoue. Les empereurs mandchous, par réaction, chercheront à tout prix à interdire la formation de partis au sein de la bureaucratie.Outre une atmosphère politique empoisonnée, le règne effectif de Wanli se signale par une situation financière devenue rapidement catastrophique. Les deux raisons principales en sont les dépenses extravagantes de l’empereur (construction de palais, de tombes monumentales, de résidences princières, cérémonies fastueuses...), et les dépenses militaires (campagne contre la Birmanie en 1584, soulèvement mongol au Ningxia en 1592, expéditions en Corée en 1592 et en 1598, campagnes contre les tribus du Sud-Ouest en 1599-1600, premières attaques des Mandchous en 1618...), lesquelles atteignent certaines années des proportions colossales et donnent lieu à des impôts supplémentaires très mal supportés par la population.De fait, la défense des frontières et l’insuffisance des revenus sont parmi les seules questions dont l’empereur consent encore à se préoccuper, avec des conséquences parfois catastrophiques. En 1596 il fait envoyer des eunuques dans tout le pays pour ouvrir des mines d’argent et lever des impôts supplémentaires sur toutes sortes d’activités; et en 1599 il leur donne la haute main sur tous les impôts dans l’ensemble des provinces. Pendant les dix années qui suivent, leurs exactions vont donner lieu à des affrontements violents avec l’administration régulière et provoquer une série de soulèvements populaires.La crise fiscale vient aussi des difficultés croissantes de l’économie agraire. Calamités naturelles et famines se multiplient et ont un impact sans précédent, dû notamment à la dégradation des aménagements hydrauliques dans les principaux bassins. Seules les digues du fleuve Jaune sont l’objet de travaux importants pendant la période, et encore est-ce d’abord pour maintenir en opération le Grand Canal par où transitent les revenus destinés à la capitale. À la fin des années 1580 se produit la première des deux grandes vagues d’épidémies qui touchent l’empire à l’époque des Ming.Malgré toutes ces faiblesses, dans lesquelles beaucoup d’historiens ont vu l’origine de la chute des Ming en 1644, les années Wanli sont une période faste dans plusieurs domaines. Le développement rapide du commerce outre-mer entretient une extrême prospérité dans les villes du bas Yangzi et de la côte sud-est. L’afflux d’argent dû aux exportations vers le Japon et l’Amérique espagnole via Manille a influencé profondément la commercialisation et la spécialisation de l’agriculture, le développement des artisanats de toutes sortes, la croissance des marchés, l’apparition d’une culture urbaine brillante et originale. La créativité et le non-conformisme dans la pensée, les arts et les lettres sont exceptionnels: c’est dans ce contexte qu’il faut considérer la curiosité et la sympathie qui accueillent les échantillons de «savoir occidental» introduits par Matteo Ricci et les premiers missionnaires. Entré en Chine en 1583, le fondateur de la mission jésuite est admis à Pékin en 1601; ses présents suscitent un vif intérêt de la part de l’empereur, qui aurait fait disposer sur les murs de sa résidence un agrandissement de sa carte du monde.
Encyclopédie Universelle. 2012.